Il y a beaucoup de choses que je trouve spéciales et uniques sur le domaine, mais le pressoir est sans doute le plus notable et représentatif de la façon dont nous travaillons. Nous pressons les grappes à la main. Cela mérite un peu plus d’explications.
Quand je me suis embarqué dans la rénovation du chai, celui-ci tombait littéralement en morceaux. Il était rempli de vieux outils et de rebus, l’eau coulait par la toiture à chaque fois qu’il pleuvait, les branchements électriques avaient brûlés, les tuyaux étaient rongés par la rouille… Pendant des jours, nous avons débarrassé le chai de tout ce qui l’encombrait en remplaçant l’électricité par des lampes torches. Petit à petit, nous avons mis au jour deux anciens pressoirs, entre 50 et 100 d’âge. Véritables exemples de prouesse mécanique, carcasses de métal,bois et béton, solides comme de vieux bateaux, design aux lignes simples. Visiblement, ils n’avaient pas servi depuis des décennies.
Initialement, j’envisageais de faire l’acquisition d’une de ces nouvelles presses pneumatiques qui sont considérées comme les plus qualitatives des presses modernes électriques. Je pensais simplement donner un coup de peinture aux anciens pressoirs et les garder comme décoration, un petit rappel désuet au passé. Un jour j’ai montré ces pressoirs à Vincent Carême, un ami proche, un conseiller inestimable et un des meilleurs vignerons de la Loire. Il a regardé attentivement le plus “récent” des deux et m’a dit dans un sourire “tu sais, je parie que tu pourrais utiliser ce pressoir”. Ce fut le début d’une longue aventure pour la restauration de cette ancienne beauté. Un menuisier a reproduit à l’identique certaines pièces de bois ; des vignerons plus âgés et qui avaient connu dans leur jeunesse ce type de presse, sont venus nous expliquer les étapes successives du pressurage, du nettoyage, du graissage…de cette fabuleuse machine. Le pressoir fut donc restauré et nous avons pu l’utiliser dès 2008 pour nos premières vendanges. La rumeur d’un américain fou et de son vieux pressoir s’est vite répandue. Cela nous a valu la visite de nombreuses personnes et de vignerons qui s’arrêtaient juste pour jeter un coup d’œil à ce spectacle insolite et quelque peu archaïque.
En dehors du caractère drôle et amusant que peut revêtir “l’histoire du pressoir”, il y a en fait des éléments techniques et qualitatifs qui entrent en ligne de compte. Utiliser un pressoir de ce type signifie que nous n’avons pas d’autres choix que de réaliser un pressurage doux et lent. Il nous est impossible d’atteindre la même pression que celle exercée par une presse moderne. Par conséquent, nous obtenons uniquement le premier jus du raisin. Et je suis convaincu que nous obtenons ainsi le meilleur des grappes. Bien sûr, cela veut également dire que nous obtenons beaucoup moins de jus (probablement la moitié) que si nous utilisions une presse moderne.
Voir aussi :
Dans le vignoble – Dans le chai – Les installations – Le jardin